D’une manière générale, le projet Tshiueten, «le Nord» en langue Innu, vise à favoriser la persévérance et la réussite scolaire des élèves autochtones en leur offrant un environnement d’apprentissage adapté et culturellement sécurisant, tout en leur offrant un curriculum de formation où les cultures et les langues autochtones sont valorisées. Il est construit dans une optique de consolidation du potentiel énorme que nous reconnaissons chez les enfants autochtones. Forts de leurs cultures et de leurs langues, fiers de leurs origines ancrées aussi bien dans le passé que dans le présent.
Il vise à former des classes de niveaux primaires adaptées aux réalités Autochtones, leurs langues et leurs cultures, au sein même de la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (CSRS), dans un endroit désignée tout en respectant les exigences en matière d’enseignement au Québec et le PFEQ.
Ce projet a été élaboré en étroite collaboration entre le Centre d’amitié autochtone du Saguenay (CAAS), la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (CSRS), le Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN) et la Direction des services aux autochtones et du développement nordique (DSADN) du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), dans une volonté commune de favoriser la persévérance et la réussite scolaires des élèves issus des Premières Nations.
Réalisée auprès de partenaires et de parents dans le cadre du projet Ninan, piloté par le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ), la consultation a fait ressortir les éléments suivants: l’importance d’adapter les façons de faire et de s’ajuster aux besoins des Autochtones, la connaissance de la culture et de l’histoire autochtones est fondamentale, les familles autochtones en milieu urbain vivent de l’opposition entre la préservation de leur culture et l’adaptation à la culture “dominante”. L’idée de créer une “école désignée” a été soulevée et a eu un accueil favorable de la part des partenaires, qui ont toutefois mis l’accent sur l’importance que les familles aient le choix d’y inscrire leurs enfants.
«Ma fille était dans son bain et elle n’arrêtait pas de se frotter. Elle m’a demandé pourquoi elle était brune et comment faire pour faire partir cela. Comment pensez-vous que je me suis senti en tant que mère ?»
-Une mère lors d’une consultation de parents
Lors de ces consultations, les personnes rencontrées ont notamment fait ressortir l’importance des langues autochtones au niveau des services qui leur sont offerts. Les langues autochtones sont une préoccupation de premier ordre chez les membres du CAAS, et ceux-ci désirent que le Centre fasse un effort marqué et constant à ce sujet.
Au niveau de l’éducation, les membres ont exprimé les difficultés rencontrées au sein du système éducatif québécois, soit un manque d’ouverture face aux cultures, aux façons d’être des Autochtones et à leurs langues.
Un système d’éducation adapté et ouvert à la culture et aux façons d’être des Autochtones ainsi qu’à leurs langues est souhaité par les Autochtones à Saguenay.
Aussi, il en est ressorti une certaine préoccupation quant au fait d’actualiser les connaissances et savoirs autochtones pour qu’ils s’inscrivent comme étant un atout et une valeur ajoutée à l’employabilité. Sous cette rubrique, nous retrouvons tout ce qui est en lien avec la culture, les savoirs, les langues, l’histoire et la spiritualité autochtones.
Les personnes rencontrées ont aussi ajouté qu’il était important pour eux d’obtenir la reconnaissance ou un diplôme dans le système d’éducation québécois. Le diplôme revêt une importance dans le domaine de l’emploi et dans le but de prendre soin de sa famille.
Ce projet se veut un incitatif à la fréquentation scolaire ainsi qu’un puissant outil de persévérance et de réussite. Il découle de l’évaluation des besoins des jeunes réalisée auprès de plus de 45 personnes par le CAAS et d’une consultation auprès de ses partenaires en éducation.
Né de ces consultations et ancré dans la mission du CAAS, le projet s’inscrit aussi dans la foulée des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. En effet, au terme de plus de six ans de travaux, la Commission de vérité et de réconciliation rendait publiques, au début du mois de juin 2015, ses 94 recommandations pour que le Canada ainsi que les provinces marchent de plus en plus, vers la réconciliation. (Voir Annexe-1)
Forts des enseignements des aînés, les partenaires de ce projet souhaitent qu’il soit basé sur leurs recommandations, car ils sont les gardiens des traditions. Depuis trop longtemps, nous avons oublié de les écouter. À ce titre, feue An Kapesh, ancienne politicienne et Cheffe de la communauté de Matimekush-Lac-John, a des propos éloquents:
«…aujourd’hui mes enfants ne connaissent rien de leur culture innu, ils perdent leur langue innu, ils se nourrissent à peine de leur nourriture innu, ils ne mettent plus d’habits vestimentaires innu.»
Moi j’estime qu’il est très important de faire de grands efforts pour nous mettre à la recherche de notre vie culturelle innu et de notre langue innu pour les conserver. Dans ma conception à moi, de tous les peuples qui existent, il ne doit pas en exister un qui soit fier de vivre la vie et la langue d’un autre peuple. Nous, Innu, avons une culture innu et une langue innu dont nous pouvons être fiers.»
«Dans l’école où mes enfants sont maintenant, je ne vais pas dans les rencontres de parents parce que je ne veux pas me faire dire de lui parler plus en français»
-Un père lors d’une consultation de parents
Les partenaires au projet souhaitent former dès septembre 2016, des classes adaptées aux réalités des Autochtones au Saguenay. Selon nos consultations auprès des parents d’élèves autochtones en avril 2016 et nos estimations, la CSRS serait en mesure d’ouvrir une classe de niveau préscolaire et une classe de 1er cycle.
Souhaitant que ces recommandations ne tombent pas dans l’oubli mais nous poussent à agir, il est plus que pertinent, dans le cadre de ce projet, de prendre en considération les recommandations suivantes, qui touchent plus particulièrement l’éducation et les langues autochtones.
Note : Nos soulignements
Recommandation no 7 : Nous demandons au gouvernement fédéral d’élaborer, de concert avec les groupes autochtones, une stratégie conjointe pour combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones.
Recommandation no 10 : Nous demandons au gouvernement fédéral d’élaborer de nouvelles dispositions législatives sur l’éducation des Autochtones, avec la pleine participation et le consentement éclairé des peuples autochtones.
Plus précisément, nous demandons à ce que ces dispositions comprennent un engagement à l’égard d’un financement suffisant et intègrent des principes qui se traduisent par la réalisation de ce qui suit :
iii. élaborer des programmes d’études adaptés à la culture;
vii. respecter et honorer les relations découlant des traités.
Recommandation no 12 : Nous demandons au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et territoriaux de même qu’aux gouvernements autochtones d’élaborer des programmes d’éducation de la petite enfance adaptés à la culture des familles autochtones.
Recommandation no 13 : Nous demandons au gouvernement fédéral de reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones.
Recommandation no 14 : Nous demandons au gouvernement fédéral d’adopter une loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants :
iii. le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir des fonds suffisants pour la revitalisation et la préservation des langues autochtones;
Recommandation no 15 : Nous demandons au gouvernement fédéral de nommer, à la suite de consultations avec les groupes autochtones, un commissaire aux langues autochtones. Plus précisément, nous demandons que ce commissaire soit chargé de contribuer à la promotion des langues autochtones et de présenter des comptes rendus sur l’efficacité du financement fédéral destiné aux initiatives liées aux langues autochtones.
Recommandation no 61 : Nous demandons aux représentants de l’Église qui sont parties à la Convention de règlement de collaborer avec les survivants et les représentants d’organisations autochtones en vue d’établir un fonds permanent destiné aux Autochtones pour les besoins de ce qui suit :
Recommandation no 62 : Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, en consultation et en collaboration avec les survivants, les peuples autochtones, et les éducateurs, de :
iii. prévoir le financement nécessaire pour que les écoles autochtones utilisent les connaissances et les méthodes d’enseignement autochtones dans les salles de classe;
Recommandation no 63 : Nous demandons au Conseil des ministres de l’éducation (Canada) de maintenir un engagement annuel à l’égard des questions relatives à l’éducation des
Autochtones, notamment en ce qui touche :
iii. le renforcement de la compréhension interculturelle, de l’empathie et du respect mutuel;